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  Ce n'était qu'une rumeur. Et Elena n'y portait pas d'importance. Une rumeur, ce n'était rien dans ce pensionnat où des choses beaucoup plus incroyable se passent. Mais celle-ci durait depuis plusieurs jours déjà et il n'était pas rare d'en entendre parler dans les couloirs et même en cours. Une réunion dont le but est inconnu de tous et qui ne devrait pas tarder, rien de mieux pour faire rentrer en effervescence une école où seulement certains chanceux pouvaient se rendre. Mais la jeune femme n'y prêtait pas un réel intérêt, elle verrait bien par elle-même ce qui se passerait. Il était facile de se tromper avec toutes les informations que les étudiants échangeaient entre eux, surtout que la plupart n'avaient aucun fondement.
  Puis la rumeur finit par prendre fin. Tout le monde savait maintenant à quoi aller servir cette réunion. La raison étonna beaucoup la rousse, pour elle ça s'apparentait aux défilés militaires dans le but de montrer sa puissance aux autres nations. Sauf que la puissance dont certains pouvaient faire preuve serait probablement plus efficace qu'un tank. Mais chacun était prié de s'y rendre alors elle n'aura pas le choix et devra très probablement faire une démonstration de ses pouvoirs. L'espoir de ne pas être désigner parmi tout les autres élèves demeurait même si elle ne se faisait pas trop d'illusions. Elle ne comprenait surtout pas l'excitation de certains, la Transformation s'avérait douloureuse pendant un long moment et le Pouvoir pouvait tout simplement devenir incontrôlable.
  La fameuse journée arriva plus vite qu'elle ne s'y attendait, mais elle ne se laissa pas surprendre plus que cela et fut l'une des premiers à être présents devant le terrain. Ils furent bientôt rejoints par les autres élèves et le directeur commença ses explications. Elena n'y portait que peu d'attention, se retenant avant tout de balancer son coude dans les visages derrière elle. La foule se bousculait pour essayer de s'approcher le plus possible dans le but de profiter du prochain spectacle et la jeune femme se retrouvait à être, elle aussi, poussée. Plusieurs personnes eurent énormément de chance qu'elle ne réagisse pas autrement que par des grognements lorsque leur coude se plantait entre ses côtes et qu'on lui écrasait les pieds. Mais elle restait tout de même aux premières loges.
  La démonstration de talents commençait enfin avec un élève blond. Ce fut simplement un instant gênant pour lui, durant un moment tout du moins, car il ne se passa rien lorsqu'il leva les mains au ciel. Un sourire désapprobateur étira les lèvres de la rousse. Cela aurait été beaucoup trop simple si ça avait fonctionné juste comme ça. Mais la Transformation s'opéra bien assez vite pour changer l'amusement de tous en surprise. Pour sa part, Elena était fascinée. Elle avait déjà assisté à quelques transformations non maîtrisées et le processus lui a toujours paru intriguant. Ce qu'elle savait c'est que ce n'était pas le moins du monde scientifique car les squelettes changent pour s'adapter à la nouvelle forme.
  Le faucon nouvellement apparut sembla ravir un certain nombre de personnes et elle les comprenait très bien. C'était un bel oiseau qui plus est, mais la principale raison est qu'il s'agit d'un oiseau de proie, dangereux pour les petites créatures. Mais elle sait parfaitement que si elle devait se transformer, la panthère noire ferait tout autant son effet. Pour le moment, l'oiseau prenait son envol, bien assez vite bloqué par les grilles, et commençait à décrire de grands cercles. Elena s'interrogea sur la résistance de cette "cage", que se passerait-il si des animaux nettement plus imposants prenaient la place des élèves ou si des pouvoirs s'avéraient trop dangereux.

John s'avançait entre les grandes étagères formants un dédale d'allées logiques et bien alignées. Les derniers trainards quittaient leur table ou leur banc, rangeant rapidement leur livre dans leur sac, avant de se précipiter vers la sortie sous l'oeil attentif du bibliothécaire. Il se rendit au fond de la pièce, ramassant un livre par terre au passage, et revint vers sa table, s'assurant bien qu'il ne restait personne dans la grande bibliothèque du pensionnat. Il soupira légèrement en arrivant à sa table. Voila déjà plusieurs jours que les adjoints de direction ainsi que les professeurs faisaient passer le mot. Tout le monde était prié de se rendre au terrain afin de présenter ses pouvoirs. Tous, sans exception. Il avait bien entendu certains pensionnaires radoter ou venir se plaindre, mais ils s'étaient finalement résigner : ils n'avaient pas le choix. Et puis, c'était un moyen de mieux connaitre cette malédiction. Le rouquin avait cherché des informations ou des indices dans les annales du pensionnat. Pour l'instant, il n'avait rien trouvé, mais il contait bien continuer ses recherches. Si un évènement dans le passé avait déclenché cela, il serait surement répertorié dans les épais volumes des annales. Il ramassa son sac qu'il passa négligemment sur son épaule droite, avant de se saisir de ses clés et de passer la porte. Il referma l'épaisse porte en chêne dans un petit déclic de serrure, puis se retourna juste à temps pour voir un petit groupe d'élèves se hâter vers l'extérieur. Il rangea son trousseau dans sa poche avant de s'empresser de les suivre. Après quelques minutes de marche rapide, il arriva finalement au terrain.

La voix du directeur d'élevait au loin, relayé par des enceintes posées à des points stratégiques du grand terrain protégé par une barrière, couvrant aussi bien les murs que le toit. Il passa par la petite porte taillée dans le grillage. Apparement, il était dans les derniers, mais sa grande taille lui permettait cependant de voir par dessus la masse grouillante des élèves. Un blondinet se trouvait déjà au devant du cercle, les mains levées vers le ciel, un peu rouge. Des petits rires fusèrent peu à peu de la foule, puis un franc éclat de rire s'intensifia à mesure que le garçon rougissait. Le bibliothécaire restait impassible, continuant de fixer le jeune homme. Mais, le rire se brisa soudain, tandis que le garçonnet se tordait de douleur dans un petit cri, rapetissant à vue d'oeil. Certains élèves eurent un mouvement de recul, effrayés par la douleur qu'il ressentait. Il diminuait à vue d'oeil, visiblement aux prises avec sa transformation. Le rouquin détourna le regard, ne pouvant contempler et se délecter ainsi de la souffrance du jeune garçon. Il se demandait finalement si c'était une bonne idée de les forcer à se transformer ainsi devant tout le monde. Il finit par regarder à nouveau dans la direction du transformistes, les cris s'étant tus. A la place du blondinet se tenait désormais un magnifique faucon. Il resta quelques secondes ébahit par ce spectacle, puis se décida à scruter la foule à la recherche d'une tête ou d'une chevelure familière.

Toute cette douleur, la peur qu'elle engendre et cette foule présente pour en être témoin, me rend nerveux. Ce n'est pas que je sois particulièrement craintif ou sensible. Juste que ... Oui, aujourd'hui, je suis intimidé. Cela fait presque neuf mois que je suis un élève à part entière de ce pensionnat, et je n'ai encore jamais réussi à faire voleter une simple feuille au-dessus du sol. C'est que je n'ai aucune envie de m'humilier comme le premier étudiant en a fait les frais. Ethan et moi sommes sortis en retard de la chambre, après les cours. Jungo n'a pas pris la peine de nous prévenir qu'il partait devant, je crois qu'il était en classe juste avant la réunion, contrairement à Ethan et moi. Je soupire et je cherche mes deux compagnons du regard. J'ai été séparé d'Ethan dans la cohue générale, et malgré ma taille je ne parviens pas à le retrouver. Trop de monde, ici. Je fais un effort surhumain pour rejoindre le grillage, m'excusant et me faisant parfois renvoyer en arrière par des bras plus épais que les miens. Lorsqu'enfin j'atteins la limite du terrain, je peux apercevoir une jeune fille qui exerce son talent derrière la sécurité grillagée du terrain d'entraînement. Je souffle, espérant que mon nom ne sera pas appelé avant que tous les autres ne l'aient été. Ou alors, mieux, que je ne sois appelé qu'en plein milieu, quand les autres élèves en auront trop vu pour se soucier des suivants.

- Prochain passage, Wolfen Nyroc !

Chacun se dévisage, cherche qui a été appelé. Personne ne bouge autour de moi, l'élève doit être ailleurs dans la foule. Je ne vois pas bien, de là où je suis, alors j'essaie de m'approcher un peu plus. Et par la même, j'essaie également de retrouver Jungo et Ethan, en vain. Moi qui préfère de loin être avec mes proches dans des situations aussi angoissantes, me voilà bien lotti. Je soupire, me fraye un passage entre les bras et les jambes. Cette fois les autres élèves me laissent plus facilement passer. Peut-être qu'ils croient que je suis celui qui a été appelé ... Lorsque j'arrive près des grilles, on me pousse violemment en arrière en m'engueulant parce que le fameux Wolfen Nyroc est déjà dans le terrain. Ok, je reste un peu en arrière. Finalement, résigné, je m'assieds en tailleur par terre. Tant pis pour les risques d'écrasement, au moins entre les jambes de tout le monde je distingue mieux le garçon et je suis exempté de l'odeur nauséabonde que répend la sueur de toute cette marrée d'élèves excités et stressés. Je détaille l'étudiant que je n'ai jamais vu, essayant de me souvenir si je l'ai déjà croisé dans les couloirs. En tout cas, il ne fait pas partie des première année, puisque je ne l'ai jamais vu en classe.

Je le regarde encore tandis qu'il semble discuter avec l'un des surveillants. Ah, c'est celui que j'ai croisé au début de l'année, non ? Celui qui a eu une envie subite de manger un morceau de mur, dans la grande cour intérieure. Peu importe, je repporte mon attention sur l'élève. Il semble à l'aise, vu d'ici. Comme si tout ça ne l'intimidait pas. Je me surprends à admirer son assurance, j'aimerais être aussi tranquille que lui dans pareille situation. Puis il s'immobilise, ignorant le monde qui l'entoure. La foule retient son souffle, et je remarque que je n'ai pas inspiré depuis déjà plusieurs secondes. Est-ce qu'il canalise son pouvoir ou est-ce qu'il attend la métamorphose ? J'obtiens ma réponse dès lors qu'il se tort étrangement en lâchant de légers gémissements, qui se transforment rapidement en grognements. Les mouvements de son corps me sont si familiers que j'en perds la notion du temps, et lorsque j'inspire profondément à nouveau, c'est parce que c'est seulement parce que mon cerveau manquait d'air. Et puis, la forme de son corps change, se modifie au fil des secondes. Il se tasse, se plie en deux, et ses mains rejoignent ses pieds sur le sol pour devenir quatre pattes poilues et griffues. C'est là que je comprends.

Désemparé, craignant le pire, je me redresse si brusquement que je percute un autre élève. Mais, dans la panique, je ne pense pas à m'excuser. Je pars en trombe, traversant la foule à toutes jambes. J'appelle mon ami et dominant, j'ai besoin de sentir sa main puissante autour de la mienne pour ne pas perdre pieds. Il faut qu'il me garde ancré dans ce monde-ci, parce que ce n'est pas mon tour et que je ne veux surtout pas changer ici, au milieu de tous ces humains. Je cris le nom d'Ethan, le cherche des yeux. Mais déjà, au fond de moi, l'être s'agite. Il secoue mes entrailles avec une telle détermination que je perds déjà courage. Je n'aurais pas la force de résister. Un long hurlement danse dans l'air, vrille mes tympans. Mon ouïe se concentre, mon corps s'immobilise totalement. Mes yeux s'écarquillent et, déjà, mon corps est secoué de tremblements. L'appel de l'instinct. Je lâche des grognements que la foule en délire n'entend pas, je me recroqueville, enroule mes bras autour de mon torse et me plis en deux. Faites que ça cesse, pitié ... Mes doigts se serrent sur mes côtes, je sens déjà les griffes atteindre ma peau et la déchirer lentement.

Les grognements muent, leur intensité augmente et la souffrance me déchire la poitrine. Mon coeur bat si vite que j'ai la sensation qu'il va exploser. J'aimerais trouver Ethan, il saura peut-être me garder ici, dans ce corps. Mais il est trop tard, et de toute manière je ne peux plus bouger un seul de mes membres. Je sens la pilosité percer ma peau, picotant chaque partie de mon être. Ma bouche laisse passer de sourds grondements de douleur avant de se déformer, et de mes yeux je peux voir mon nez s'allonger, se changer en un museau fin et brun. Je ferme les yeux, serre les dents, les crocs. J'essaie désespérément de garder le contrôle mais, je le sais, il est déjà trop tard. Ma luxna -le déclenchement de ma métamorphose que j'appelle ainsi depuis ma dernière lecture- a déjà enclenché le mécanisme et je ne peux revenir en arrière. Les yeux clos, je me concentre sur Ethan, sur son assurance et sa force de caractère. Si je pense suffisamment fort à lui, alors la douleur ne sera plus que sourdine au fond de ma tête. Je veux m'en persuader, même si les gémissements qui sortent désormais de ma gueule prouvent le parfait contraire.

Et puis, l'agonie cesse. Je suis essoufflé, perclu de crampes, mais je n'ai plus mal. Mes os ne semblent plus vouloir déchirer ma peau, mes muscles ne se tordent plus dans tous les sens et mes entrailles ont retrouvé leur place initiale. Je souffle, halète. Je relève la tête, baisse brusquement les oreilles en voyant toutes ces créatures imberbes m'entourer avec des visages horrifiés. La queue entre les pattes, j'hésite longtemps, montrant les crocs, avant de me rappeler. Un loup. Un autre canis lupus, ici, sur notre territoire. Où est l'Alpha ? Ou est le Mâle Dominant ? J'ignore la présence des étranges bipèdes, assuré qu'ils gardent tous leurs distances avec moi. Ils se grimperaient presque dessus pour éviter d'être trop proches, alors je prends de l'assurance et, renversant ma tête en arrière, je lance à mon tour un long hurlement vers le ciel clair de cette après-midi ensoleillée. Lorsque les dernières notes de ma voix s'éteignent, je n'attends pas la réponse de l'Alpha. Je pars entre les pattes affreuses de ces créatures imberbes et je laisse mon odorat me guider jusqu'à une chose étrange, grise, souple et froide. Derrière elle, l'autre individu. Autant que je suis brun, il est blanc. Autant que mes yeux sont verts, les siens sont d'un bleu limpide. Un grondement sourd passe ma gorge. Un intrus sur notre territoire. Que dira l'Alpha ?

  Après le premier qui s'était transformé en faucon, Elena ne chercha plus à prêter une grande attention sur les élèves qui défilaient. La foule derrière elle ne cessait de pousser, la bousculant sans relâche et lui hurlant dans les oreilles. Elle n'arrivait pas à comprendre l'excitation qui les animaient et commençaient à être exaspérée, bien qu'elle reconnaissait que la panthère en elle remuait depuis l'apparition du faucon. Elle avait du mal à s'y faire d'ailleurs, celle-ci ne s'étant manifestée qu'à de rares reprises depuis sa deuxième transformation. N'étant pas là depuis très longtemps, elle a eu la chance de n'avoir effectivement que deux métamorphoses. Chance car cela s'avère extrêmement douloureux mais elle sait parfaitement que cela pourrait empirer.

  Un nouvel élève fut appelé, un certain Nyroc Wolfen. Ce nom ne lui disait rien, mais après tout, peu lui disait réellement quelque chose. Après le faucon et la télékinésiste, Elena ne put s'empêcher de se demander ce que leur préparer ce jeune homme lorsqu'il prit place au centre du terrain. Elle était toujours contre cette réunion mais voir ce dont était capable tout ces adolescents. Certains l'impressionneraient très probablement, que ce soit par leur aisance ou par ce dont ils avaient hérité à travers la "Malédiciton". En tout cas, ce Nyroc n'aillait pas tarder à commencer après avoir parler à un des surveillants. De là où elle se trouvait elle put le voir fermer les yeux, mais ce n'était pas le cas de tout le monde d'après les cris de protestations qui commençaient à retentir. Elle devait bien avouer qu'un moment passa sans que rien ne se produise.

  Puis, le blond finit par entamer la transformation. Les mouvements désincarnés qu'effectuent le corps pour s'adapter à la nouvelle forme font se détourner plusieurs têtes mais Elena ne détourna pas la tête, habituée à voir pire que cela. Un loup au pelage blanc finit par prendre sa place ce qui fit s'élever des acclamations parmi les élèves. Elle devait bien avouer que le loup avait de l'allure et que comme beaucoup d'autres il s'agissait du premier qu'elle voyait dans sa vie.

  La suite se déroula bien trop vite pour que la rousse puisse vraiment comprendre. Les cris d'excitation furent tranchés par d'autres de peur et assez rapidement deux autres loups se trouvent devant la grille. Et il est clair que leur animosité se dirige vers l'animal de l'autre côté, séparé de tout le monde. Les adultes réagirent enfin pour éloigner les ados des canidés mais la plupart s'était déjà reculé, ayant pris peur à leur arrivée. Elena se laisse faire mais son regard ne quitte pas les animaux, elle arrive sans trop de peine à assimiler la situation à l'un de ses souvenirs. Les deux loups de leur côté ne s'en prendront pas à eux, leur cible reste celui qui est seul. La raison ne lui est pas très clair mais elle sait qu'ils ne craignent rien, même si leur présence la mettait mal à l'aise.

  Elena ne s'inquiétait pas plus cela puisque personne n'avait jusque là eu l'idée de s'en approcher. Du moins, personne jusqu'au jeune homme à la chevelure argenté qui se faufila sous les bras tendus. Il s'approcha des loups et tendit la main vers l'un d'eux. Même s'il le connaissait, ce n'était vraiment pas une bonne idée puisqu'il pouvait très bien réagir simplement à l'instinct s'il était touché. Elle observa un moment les surveillants qui barraient le chemin pour essayer de voir si elle ne pourrait pas passer pour l'écarter vu que personne ne semblait l'avoir remarqué. Mais il était évident qu'elle ne pourrait se faufiler comme il l'avait fait à cause de grande taille. Elle ne pouvait donc que le regarder en espérant qu'il ne lui arriverait rien et bousculer un peu les adultes pour les rapprocher.

Soudain, la foule sembla se réveiller, telle une marée vivante de cris de stupeur. Le garçonnet avait repris sa forme normal, et les autres élèves, encore peu habitués aux transformations, manifestaient leur angoisse et leur peur face à tout cela. Les surveillants, formant une ligne délimitant la foule et la cage, tentaient de les calmer en agitant les bras et en hurlant. C'était beaucoup trop d'agitation pour le rouquin, habitué au calme de la bibliothèque et au silence des livres. Il s'éloigna un peu, sortant de la foule pour se poser contre un arbre, ne ratant cependant rien du spectacle, grâce à sa taille surdimensionnée. Soudain, une voix lança :

Au départ, aucune personne ne sembla se distinguer de la marrée vivante surexcitée que représentaient les élèves, encore un peu ébahis par cette première transformation. Mais, finalement, John réussit à distinguer un jeune garçon, en train de se tracer un chemin entre la foule et la cage à grands renforts de coups de bras et de coudes. Il l'observa attentivement, jusqu'à ce qu'il atteigne la gigantesque cage en acier. Il s'arrêta quelques secondes, parlant à un surveillant que le rouquin reconnu sans mal : Rimaï. Puis, finalement, il rentra dans la cage, se plaçant au centre, avant de fermer les yeux. Birkman ne put s'empêcher de grimacer en pensant que cela ressemblait plus à un spectacle de foire qu'à un test. La direction aurait mieux fait de prendre les élèves un à un plutôt que de tous les rassembler en même temps. Cela ne pouvait créer que des problèmes. Petit à petit, le jeune homme se recroquevilla, poussé par des violentes secousses de douleur, sa peau se changea lentement en poils de couleur blanc. Finalement, là ou il se trouvait quelques secondes auparavant, se tenait désormais un magnifique loup blanc, hurlant en direction du ciel, faisant exécuter aux élèves au premier rang un vague mouvement de recul.

Puis, se fut l'apocalypse.

Des cris fusèrent à plusieurs endroits de la foule, les élèves bousculant leurs camarades pour former un cercle à deux endroits bien précis, dans un mouvement de peur et de folie. Le rouquin écarquilla les yeux, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Soudain, il les vit : deux autres loups, transformés eux aussi, avançant lentement vers le cage, d'un air agressif. Les élèves se poussaient rapidement à leur passage, hurlant de peur. La foule commençait à se disperser un peu, s'éloignant de la cage, passant à la droite et à la gauche du rouquin pour s'éloigner encore plus. Le bibliothécaire frémit. Non, ce n'était vraiment pas une bonne idée qu'avait eu le direction. Le jeune homme regarda autour de lui d'un oeil expert et pressé, cherchant un arme, ou tout autre objet susceptible de le défendre. Il repéra un gros bâton, dont les ramifications des branches avaient été enlevées, surement par un élève s'ennuyant, et avait laissé seulement place au plus gros tronc de la branche, laissant un bâton à l'allure plutôt solide. Il le ramassa et le soupesa, certains anciens réflexes se réveillant en lui, certains vieux instincts. Il releva la tête, constatant que les loups étaient arrivaient à la cage, se dévisageant avec haine. Le rouquin s'avança, allant à contre-sens de la marrée humaine qui se déversait loin de la cage. Cependant, beaucoup d'élèves ne bougeaient pas. Avaient-ils vraiment envie d'être blessés ? Idiots...

Il avait fait la moitié du chemin, poussant les élèves avec ses bras et son bâton, ceux-ci laissant passer le géant, lorsqu'il vit un élève dépasser le cordon de sécurité des surveillants pour s'approcher des loups. Le sang du rouquin se figea dans ses veines, et il redoubla d'efforts, avançant encore plus rapidement. Le garçon avait tendu la main vers les loups, marmonnant. Maintenant, John avait atteint le cordon de surveillants. Il passa à coté d'une jeune rousse, qu'il reconnu sur le coup : Elena. Il lui adressa un regard lui indiquant de ne pas s'approcher, avant d'essayer de passer à travers les surveillants. Un d'eux fit mine de l'empêcher de passer, mais après un regard noir et menaçant du bibliothécaire, il obtempéra, jugeant surement qu'il valait mieux le laisser passer. Pour le moment, aucun surveillant n'était intervenu pour aider le garçon, face à deux loups déchainés et prêts à le déchiqueter. Le rouquin s'avança lentement à la hauteur du pensionnaire, tenant son bâton à deux mains, ses sens et ses vieilles mécaniques de combats tendus au maximum, ses instincts et ses vieux cours et entraînements ne demandant qu'à refaire surface. Il lança au jeune homme, qui tendait les mains en avant vers les loups :

Il gardait les yeux fixés sur les deux canidés, brandissant son bâton en guise d'avertissement aux deux prédateurs.

Le bibliothécaire se plaça donc entre le jeune homme et les loups. Un d'eux lui faisait face, tous crocs dehors, semblant juger les chances qu'il avait face au rouquin. Celui ci ne bougeait pas, trop concentré sur le moindre geste du loup pour entendre la protestation que lui lançait l'écolier derrière lui. Il était comme un îlot de sérénité au milieu d'un océan de désordre. Le loup avance un peu, tous grognant, menaçant. Le bibliothécaire resserra son emprise sur son "arme", prêt à donner un coup horizontal afin d'envoyer le mâle voler au loin. Il n'avait aucune envie de blesser l'élève, mais il le ferait si il n'avait pas le choix. Soudain, à l'extrémité de son champs de vision, il repéra un homme s'approchant du grillage. Le loup sembla le repérer également, car il fit volte face et s'élança vers lui. Les muscles du rouquin se détendirent un peu, mais un frisson d'effroi le parcourut lorsqu'il vit la cage... Ouverte. Qui était l'abruti qui avait oublié de la fermer ?! Il s'avança d'un pas, puis s'immobilisa, voyant le canidé plaquer au sol Rimai. Il resta quelques secondes au dessus de lui, puis s'élança dans la cage, avant d'être rejoint par son collègue. Désormais, les trois étaient dans la cage. Ils étaient sur le point de s'entretuer, et il n'était pas vraiment bon que des élèves meurent dans l'enceinte de l'établissement. Sans plus attendre, il s'élança vers Rimai, toujours au sol, et l'aida à se relever rapidement. Il lui lança :

Il plaça violemment son bâton dans les bras du surveillant sûrement encore un peu hébété, avant de s'élancer le long de la cage, ayant repéré une grosse barre métallique traînant dans un vieux coin poussiéreux au bord du grillage. Il le ramassa, jaugeant son poids rapidement, avant de refaire demi tour et de s'appuyer contre la porte, tournant la tête vers Rimai en fronçant les sourcils :

Une voix, derrière moi. Une voix qui m'est familière mais dont les intonations me sont totalement inconnues. Pas de grondement, pas de gémissement ou autre glapissement. Rien qu'un timbre affolé qui m'évoque de vagues idées, des sensations étranges. Mais si mes oreilles se tournent une seconde vers cette voix, je me reconcentre rapidement sur l'étranger. Et le bipède, désormais, qui vient de se joindre à nous. Deux ennemis, deux fronts, et une potentielle attaque groupées. Un loup se battrait-il en fusion avec ces étranges créatures imberbes ? Ce n'est pas dans les loi de notre espèce. Mais que sais-je de ce loup immaculé ? Il porte leur odeur sur lui. Il est peut-être des leurs. Si je me concentais d'hérisser mon poil au départ, voilà que je commence à gronder. Un grondement léger, qui reste encore en partie dans ma gorge et qui n'est qu'une fine vibration de l'air. Mais un grondement tout de même, prévenant. Je leur somme de faire attention à leurs gestes, d'autant que je ne comprends pas entièrement l'attitude du bipède. Ses muscles sont tendus, il est prêt à se mouvoir lui aussi. Mais il ne gronde ni de montre les dents, et il n'a pas assez de poil pour tenter de se montrer plus imposant. Cependant, sa posture déformée le rend déjà bien plus haut que moi. Je sens le danger faire monter la peur en moi, encore plus qu'elle ne l'était déjà. Où est l'Alpha ? Il devrait déjà être là. Faillirait-il à son rang ? Non, non. C'est mon rôle de protéger l'Alpha. Le sien de me guider. Mais alors pourquoi lui est-il si agressif et moi si calme ? Ne devrions-nous pas faire le contraire ? Des questions roulent dans ma tête, perturbent mon esprit animal. Quelque chose remue dans mes entrailles et des images se superposent aux sons, aux odeurs. Des idées qui me brouillent les sens, me rendent moins performant. Comme une bête touchée par la rage, je commence à voir des choses, des choses qui courent dans ma tête. Des visages, des odeurs, des voix. Des mots que je comprends. Jusqu'à ce qu'un timbre connu me ramène à la réalité. Je secoue vivement la tête et reprends contenance alors que je regarde le loup blanc hurler à nouveau. Les renfots mettent-ils trop de temps à arriver ? Pourquoi appelle-t-il ? Je montre les crocs, cette fois. Le danger grandit, et moi je suis toujours aussi seul. Je bondis en avant sans décoller mes pattes arrières du sol et je jappe, d'une voix grave et menaçante. Qu'il se taise. Qu'il se taise ! Et puis, l'animal se recroqueville sur lui même et geint. Interloqué, je m'immobilise et mes babines recouvrent mes crocs brûlants de colère. Je le regarde, je penche légèrement la tête sur le côté sans le quitter des yeux. Pendant un temps qui me parait interminable. Jusqu'à ce que le loup disparaisse pour faire place à une autre créature imberbe. Disparu l'intrus. Evaporé sous une passe de peau pâle qui sent le loup. Une terreur folle s'empare de moi. Plus de loup. Plus que moi et deux créatures qui me dévisagent. La créature défome ses babines et sa voix s'extirpe d'entre ses lèvres. Je jappe, plaque mes oreilles contre mon crâne et rentre ma queue entre mes pattes. Je me tapis sur moi-même, me tasse tout en fixant les deux bêtes. Des prédateurs, comme moi, et plus nombreux. Je recule lentement en les fixant, grondant doucement, puis je cherche une issue. A toute allure, sans prévenir, je longe la chose grise et solide en me faisant le plus petit possible, jusqu'à trouver le passage par lequel je suis entré. Je file entre les pattes des bêtes qui hurlent à mon passage et je claque des mâchoires lorsqu'une patte semble s'approcher trop près de moi. Et puis, dans la folle terreur, un être me barre le passage. Une voix qui me semble étrangement familière et qui réveille en moi cette chose dormante. Paniqué, je fonce sur lui et lui plante mes crocs dans ce qui semble être l'os de sa patte avant. Il crie, je relâche immédiatement la pression tandis qu'il tombe sous mon poids, et je pars en courant. Une cachette. Une cachette, vite.