Au détour d'une étagère [Feat John Birkman]

John s'assit sur sa chaise de bureau, soufflant un peu. Enfin une pause... Cela faisait plus de deux heures qu'il travailler sans s'arrêter, aidant des élèves, répertoriant les nouveaux livres et les doublant, sans oublier de trier et de ranger ceux que les pensionnaires lui ramenaient. Avec tout ce travail, il n'avait pas eu une seule minute à lui. Il jeta un regard à son sac, posé négligemment sur le sol et adossé à son bureau. Il se courba pour ouvrir une petite fermeture éclair, et plongea sa main dans l'ouverture. Il commença à balader sa main à l'aveuglette dans son sac, jusqu'à sentir un contact froid dans ce dernier. Il se saisit de ce tube en fer, puis le sortit du sac, déposant le thermos sur le bureau. Il ouvrit un tiroir, y découvrant plusieurs fiches de livres répertoriées et ordonnées. Il le referma, en ouvrant un autre : celui-ci était beaucoup plus en désordre, et remplie de toutes sortes de choses : des cachous Lajaunie, des paires de ciseaux, des stylos, du scotch, et même une inexplicable moufle, qui devait avoir perdue sa sœur il y a bien longtemps. Il souleva un peu le dessus du tas, jusqu'à trouver ce qu'il cherchait : une dizaine de gobelets empilés l'un dans l'autre. Il en tira un et le déposa sur le bureau, refermant le tiroir de l'autre main. Il déposa ses mains sur le thermos, puis l'ouvrit doucement, une petite vapeur s'en échappant. La bonne odeur du thé commença à emplir l'air autour de lui, et il sourit doucement. Il retira complètement le couvercle, puis versa le précieux liquide dans son verre. Il referma la petite bouteille et la remit à sa place.

Il se saisit de son verre, puis l'approcha de ses lèvres, soufflant un peu sur liquide pour le refroidir. Il balaya la pièce du regard à travers la fumée s'échappant de la mixture : quelques élèves étaient en train de lire ou de travailler. Tout était calme, mis à part quelques chuchotements très faibles venant du fond de la pièce, et le bruit des pages qu'on tourne. Il sourit en coin, puis approcha le gobelet de ses lèvres, avalant une gorgée brûlante, laissant glisser avec plaisir le liquide dans sa gorge, profitant de son goût. Il ferma les yeux pour profiter de ce moment, et bût deux nouvelles gorgées. Il rouvrit lentement les yeux, entendant quelques pas venant de l'entrée. Une jeune femme rousse rentra d'un pas rapide dans la bibliothèque, sans lui jeter un regard. Il l'observa, comme hypnotisé par sa démarche. C'était une adolescente assez grande, aux formes plutôt plaisantes. Ses longs cheveux roux lui arrivaient jusqu'au milieu du dos, se balançant à chacun de ses pas. Il resta là à l'observer plusieurs secondes, puis cligna des yeux et reprit ses esprits, rompant le charme. Il baissa les yeux vers son bureau, pour voir un gros livre blanc posé sur la table. Il le prit dans ses mains et lu le titre : « Angor »... Il reposa son gobelet, puis repoussa sa chaise, regardant le nom de l'auteur.

Il prit le livre à une main, puis contourna son bureau pour s'élancer entre les étagères, sans hésitation. Il bifurqua à l'angle d'une de ces dernières, s'éloignant un peu des élèves en train de travailler en silence. Il se retrouva nez à nez avec la rouquine de tout à l'heure, assise par terre, adossée à une étagère. Il lui fit un petit sourire et avança encore sur deux mètres, levant le nez. Le livre allait tout en haut de l'étagère, à à peu près deux mètres vingts de hauteur. Malgré ses un mètre quatre-vingt, cela représentait tout de même une hauteur considérable. Il se mit sur la pointe des pieds, posant sa main gauche sur le haut de l'étagère, tendant le livre de son autre main. Il s'étendit le plus possible, essayant de déposer le livre. Mais, soudain, il sentit l'étagère se pencher vers lui sous sa main gauche. Il écarquilla les yeux, laissant tomber le livre au sol, retenant l'étagère de son autre main avant qu'elle bascule. Mais celle-ci avait déjà un peu trop penchée, et une dizaine de livre lui tombèrent dessus dans un boucan d'enfer. Il baissa la tête, attendant que le déluge se termine, puis, il repoussa de toutes ses forces l'étagère, la remettant en place. Il la relâcha, massant sa tête endolorie par les impacts, et observa les livres éparpillés autour de lui.

Alors qu'il tentait de reprendre ses esprits, une vive douleur au niveau du crâne, une voix féminine lui lança :

Il tourna le regard vers la voix pour voir que la rouquine s'était relevée et s'était approchée, sûrement inquiète de son état. Il pouvait maintenant mieux observer son visage mâte : deux yeux bleus-noir aux longs cils, son nez retroussé, ou encore ses lèvres pulpeuses... Tout pour charmer le manant. Il lui sourit un peu pour la rassurer, puis lui répondit, en se baissant pour commencer à ramasser les livres :

Ayant déjà ramassé quelques livres, il releva la tête vers elle pour lui lancer un petit sourire amusé. Pendant qu'il avait parlé, sa voix s'était faite presque imperceptiblement plus faible quand il avait dit qu'il avait connu pire, une image de son père lui étant revenue à l'esprit, avant d'être chassée aussi rapidement qu'elle était venue. Il se redressa un peu, accroupi, la regardant, puis demanda :

Elle lui répondit du tac-au-tac :

Elle lui tendit la main, souriant à son tour. Il fit de même et la lui serra, mouvement assez habituel lorsqu'on rencontrait une personne. Il se remit au travail, classant les livres en piles en suivant le nom des auteurs. Il lui lança, la tête toujours plongée dans ses rangements :

Il sourit. Il n'avait pas souvent l'occasion d'être aidé, le métier de bibliothécaire étant un travail plutôt solitaire, entre les livres poussiéreux et les papiers référençant les emprunts. Finalement, il attrapa une première pile de livres, puis s'éloigna, bifurquant à l'angle et attrapant un tabouret. Il revint sur ses pas auprès de la jeune fille, et grimpa sur son piédestal, remettant en place le premier tas.

La remarque de la jeune fille le fit légèrement sourire. A dire vrai, la plupart des élèves présents dans ce pensionnat étaient des enfants pourris gâtés, que papa avait envoyé travailler ici étant donné que le reste du monde partait en vrille. Et, malheureusement, les fils et filles à papa avaient plus souvent tendance à se moquer plutôt que de mettre la main à la patte. Il se releva, allant chercher le tabouret. Une fois debout sur son perchoir, il déposa les livres un par un, bien droits et bien alignés, dans un ordre presque aussi strict qu'un bataillon de l'armée américaine. Le tabouret tremblait violemment, puis se stabilisa d'un coup : il baissa les yeux pour voir la rouquine en train de tenir le petit meuble en bois pour ne pas qu'il se renverse. Elle lui lança :

Il lui sourit un peu, pour la rassurer. Elle était vraiment attentionnée, qualité de plus en plus rare de nos jours. Il releva la tête, reprenant son classement, et lui répondit :

Il fit une petite pause, puis enchaîna pour changer de sujet, descendant au passage de son piédestale pour pouvoir attraper un nouveau tas de livre :

Il sourit légèrement, ramassant les livres un à un, ne répondant pas tout de suite, concentré sur son tri. La jeune femme n'avait pas bougé, et s'était appuyée sur le tabouret l'observant. Il lui jetait de temps à autre un regard furtif, puis elle détourna finalement les yeux vers les rayons de livres. Elle lui lança :

Il se redressa, une pile de livre sous le bras, se rapprochant de son interlocutrice, souriant. Il répondit :

Il appuya sa main sur le tabouret, effleurant au passage celle de Elena par inadvertance, puis se redressa de toute sa taille en face de l'étagère. Le haut de celle-ci lui arrivait désormais à hauteur de regard, et il remarquait sans trop de stupeur que le haut des rayons étaient remplis de poussière. Il passa sa main pour en enlever un peu, puis recommença à placer les livres, les collant à coté de ceux qu'il avait déjà placé. Il baissait régulièrement la tête, faisant un petit sourire à chaque fois, pour vérifier que la jeune femme n'avait pas bougé, et pour attraper un nouveau livre sous son bras.

La jeune fille lui demanda, après un moment :

Il baissa les yeux, et vit que celle-ci commençait à se redresser, observant les livres qu'il avait sous le bras. Sa vision se bloqua pendant une demi-seconde, puis il refit face à l'étagère, clignant des yeux, répondant :

Il se concentra de nouveau sur sa tache, plaçant un nouveau livre dans l'étagère. Mais, alors qu'il ne s'y attendait pas, il perdit l'équilibre, et se tira de ses deux mains vers l'étagère, lâchant ses livres, et cette dernière se pencha à son tour vers lui, manquant de basculer. Il la repoussa d'un coup sec, et aucun livre se tomba. Il cligna plusieurs fois des yeux, transpirant un peu, et marmonna d'une voix mal-assurée :

Il jeta un coup d'oeil à Elena qui se trouvait en contrebas.

Elle répondit, ou plutôt elle ordonna :

Elle le tira doucement pour le forcer à s'assoir sur le tabouret, et il la laissa faire, se rendant bien compte que le coup à la tête l'avait partiellement affaibli. Elle l'assit donc fermement sur le tabouret, puis le relâcha, ramassant les livres un par un et les déposant sur une étagère proche, en désordre complet. John reviendra plus tard pour les remettre à leur place. Il la regarda quelques secondes faire, reprenant ses esprits, se frottant l'arrière de la nuque, un peu gêné qu'une élève veuille faire son travail à sa place. Finalement, déposant le dernier livre, elle se tourna vers lui en soupirant :

Le bibliothécaire se mordit l'intérieur de la joue, un peu gêné. Il se releva, ramassant le livre qu'elle lisait, puis lui tendit, souriant :

Il déposa le livre dans ses mains, puis fit volte face, s'avançant lentement entre les étagères, un petit pincement au coeur. Si la jeune fille ne tentait pas de le retenir ou de dire quelque chose, il dépasserait le coin, rentrant dans le hall principal de la bibliothèque, et rejoindrait directement son bureau, évitant les élèves en train de travailler.

Au moment où John s'apprêtait à bifurquer à l'angle de l'étagère, des pas rapides se firent entendre derrière lui, et une main puissante attrapa sa manche et le força à se retourner. Il se retrouva face à deux sourcils froncés et un regard sombre et colérique.

Elle agitait désormais le livre en question devant son regard. Il cligna plusieurs fois des yeux, tentant de comprendre ce qui lui arrivait, puis la rousse baissa les deux vers sa deuxième main, celle qui tenait toujours le bibliothécaire. Elle le relâcha, grommelant un semblant d'excuse, puis releva son regard vers John, qui restait toujours bouche bée, et un sourire taquin à la fois glaçant et passionnant étira le visage de la jeune femme. Elle rajouta :

Le bibliothécaire resta encore quelques secondes étonné, puis, un petit sourire en coin se dessina sur son visage, et il hocha lentement la tête. Sans la quitter du regard, il récupéra le livre, l'effleurant une nouvelle fois, et baissa les yeux pour le regarder et le retourner une ou deux fois dans ses mains. Décidément, cette élève était vraiment étonnante et pleine de ressources, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Il releva la tête, croisant une nouvel fois son regard. son petit sourire en coin toujours aux lèvres, et lui répondit :

Il l'observait, attendant de voir une réaction sur son visage.

John se plongea dans ses pensés. Un livre d'action... Mais quoi comme livre ? Un thriller, un livre d'héroïque fantasy, ou encore un livre de sciences fiction ? Des milliers de choix, mais pourtant, seul un serait le bon... Soudain, le tirant de sa rêverie, une main puissante le tira une nouvelle fois par la manche, l'attirant loin des étagères en désordre. Elle le relâcha une fois arrivés à un nouvel étalage de livres.

Il haussa un peu les épaules. C'est vrai qu'il avait de quoi s'occuper dans tout ce reçu-ménage qu'était cette bibliothèque. Il répondit, tout en passant son doigt sur les livres de l'étagère, remarquant que le destin les avait conduit au rayon des thrillers et romans policiers. Enfin, le destin... Plutôt une rousse énergique à la chevelure en pagaille :

Il passa son doigt sur les noms des auteurs, qui défilaient, jusqu'à ralentir sur la lettre R. Il fouilla l'étagère des yeux pendant quelques instant, puis en tira un livre du nom de "Déroute", de Michael Robotham. Il le tourna une ou deux fois dans ses mains, puis le posa dans celles de la rouquine, son sourire aux lèvres étant revenu au passage. Il dit :

Il avait bien insisté sur le "Pas d'histoire d'amour", son petit sourire s'étant étendu un peu plus. Il la regarda dans les yeux sans broncher, attendant de voir si elle allait réagir à son accentuation.

Le sourire de la jeune fille s'était agrandi, ce qui satisfit le bibliothécaire. Elle baissa la tête, observant attentivement la couverture du livre. Finalement, elle releva la tête, écartant au passage une mèche retombant sur son front, geste faisant craquer n'importe quel garçon, et qui élargit un peu plus le sourire en coin de John.

Cette provocation délibérée de la jeune fille faillit faire éclater de rire le bibliothécaire. Mais, au lieu de cela, il se contenta de pouffer légèrement de rire. Il était vrai qu'il n'aurait pas dû se laisser provoquer comme cela par une élève alors qu'il était membre du personnel, mais, à vrai dire, il s'en fichait car il commençait réellement à l'apprécier. Il remit en place la mèche de cheveux de la jeune fille d'un geste rapide, puis, remettant un ou deux livres en places, il lui répondit d'un air distrait :

Il remit un roman policier à sa place, refaisant face à Elena, la regardant droit dans les yeux.

La jeune fille secoua légèrement la tête puis afficha un léger sourire mélancolique. Elle lui répondit :

Elle passa les mains derrière son dos, tenant toujours son livre. John sourit légèrement. Normal. Que voulait donc dire normal, lorsque c'est la guerre autour de nous, et que l'on obtient des pouvoirs magiques et des transformations en animaux ? Normal n'était plus qu'un terme lointain, étrange. Elena afficha un petit sourire malicieux, et se pencha légèrement en avant, laissant une légère vue sur son décolleté disponible. John se contenta de la regarder dans les yeux s'efforçant de ne pas rougir à cette vue. Elle finit par le regarder dans les yeux à son tour, puis lui demanda :

John sourit à son tour. Une belle histoire... On n'en trouve que dans les livres malheureusement. Il lui répondit, d'un air malicieux lui aussi :

Il élargit son sourire, la regardant droit dans les yeux de ses yeux bleus, tentant de sonder ce regard envoûtant.

Pendant qu'il lui parlait, la jeune fille en profita pour se redresser, masquant de nouveau sa peau, et s'étirer de toute sa longueur. Interpellée par la question, elle pencha la tête sur le côté, pensive. Elle avait perdu son petit sourire malicieux, signe qu'elle avait vraiment été frappée par la question. John, quand à lui, souriait. Mais pas d'un sourire mesquin ou malicieux. Mais un sourire sincère, admiratif face à la jeune fille. Cette dernière glissa ses yeux sur les lèvres du bibliothécaire, puis les remonta jusqu'à ses yeux, échangeant avec lui un regard profond. Elle répondit :

Elle semblait plus sérieuse d'un coup, ayant perdu son humeur moqueuse et taquine. John l'observait attentivement, et elle faisait de même. Le sourire du rouquin avait rapetissé, ne laissant plus que sur son visage un sourire en coin charmeur. Il ne détachait pas ses yeux du regard d'Elena. Il lui murmura :

Une mèche de cheveux retomba sur le front d'Elena. Il releva la main pour la remettre en place, mais arrêta son geste, hésitant, de peur que la jeune fille ne réagisse mal a ce geste. Il resta donc là, sa main droit à mi-hauteur entre lui et la mèche de la jeune fille.

La jeune fille eut un très léger mouvement de recul face au geste du bibliothécaire, ce qu'il ne pouvait pas lui blâmer. Il baissa sa main et la mit derrière lui, joignant ses deux mains dans le dos. Elena passa sa main dans ses cheveux pour se recoiffer rapidement, puis, dans un haussement d'épaules, elle répondit :

Le bibliothécaire haussa à son tour les épaules, d'une manière de dire "Qui sait ?". Puis, d'un mouvement rapide, il fit volte face et s'avança vers une table remplie de livres en brique-à-braque, sans prendre la peine de vérifier si la jeune fille le suivait. Après tout, elle faisait ce qu'elle voulait, il n'avait pas à la forcer à le suivre... bien que c'était ce qu'elle avait fait avec lui quelques minutes plus tôt. Il se mit à trier les livres en petits tas rapidement et méthodiquement, avant de finalement en récupérer un qui correspondait aux romans policiers. Il revint donc sur ses pas, se mettant à classer les livres par noms de l'auteur. Il lança à l'étudiante, toujours concentré dans son classement :

Il sourit en pensant que cette réplique venait d'un livre, puis lança un coup d'œil à la jeune femme, attendant sa réponse ou sa réaction.

A sa réponse, la jeune fille se releva et alla s'appuyer contre l'étagère remplie de livres. Il la dévisagea longuement. Quelque chose en lui donnait à ce regard de l'admiration, voir de l'envie. Ses oreilles virèrent légèrement au rouge clair quelques secondes, puis il détourna la regard pour se concentrer de nouveau sur son tri. La rouquine lança alors :

Il se risqua à lui lancer un nouveau regard. Elle le regardait elle aussi, souriant en coin. John la regarda dans les yeux quelques secondes, profitant de se spectacle, puis sourit à son tour. C'était sans doute un compliment qu'elle venait de lui faire. Il rangea un dernier livre, puis se tourna vers elle complètement, s'appuyant lui aussi sur cette étagère. Il ramena son sourire à un petit sourire en coin charmant, et répondit :

Il cligna des yeux une fois, puis eut comme un mouvement pour se rapprocher d'elle. Ce fut presque imperceptible, aussi furtif qu'une ombre, car il s'arrêta avant de le faire. Il ne pensait qu'elle allait sans doute mal réagir. Alors il se contenta de la fixer droit dans les yeux, de son regard bleuté intense.